Home English Version ArtForum



4/02/2002

 
Katriina Siivonen 
 
 
La culture - source de profit pour le tourisme ou vie des gens du pays?

 
   
 
 
   

 
 
La culture originale d’une localité est un instrument primordial pour développer le tourisme. Pour satisfaire les besoins du tourisme on cherche à mettre à profit les divers éléments de la culture: l’ambiance et l’identité de la localité ou une tradition authentique. Tout cela est soulevé dans les divers programmes de développement régional sur la base desquels on essaie de guider, entre autres, le tourisme vers un meilleur avenir. En pratique, ces programmes concernent aussi bien les autorités qui travaillent pour le développement régional que ceux qui mènent à bien les projets ainsi que les entrepreneurs dans le secteur du tourisme qui tous façonnent la culture et s’en servent selon leurs fonctions et leurs besoins.

Qu’est-ce donc que cette culture mentionnée dans les programmes de développement régional? Cela n’y est pas précisé, mais le contenu des programmes en permet cependant l’analyse. Ci-dessous je vais examiner les programmes et les projets suivants du Conseil Régional du Sud-Ouest de la Finlande: le projet régional du Sud-Ouest de la Finlande 2020 (Varsinais-Suomen maakuntasuunnitelma 2001), le projet régional du Sud-Ouest de la Finlande pour les années 2001-2004 (Varsinais-Suomen maakuntaohjelma 2001), le projet touristique du Sud-Ouest de la Finlande: la stratégie de développement du tourisme 1998-2006 (Varsinais-Suomen matkailuohjelma 1998) et le programme qui concerne l’archipel du Sud-Ouest de la Finlande (Varsinais-Suomen saaristo-ohjelma 2000).

Il semble que dans tous ces programmes la culture se réfère en général à quelque chose de concret, à savoir au paysage, aux bâtiments d’une valeur culturelle et patrimoniale, au folklore et aux diverses formes de l’art. Le programme qui concerne l’archipel met l’accent en outre particulièrement sur l’insularité, notion quelque peu différente. L’insularité fait partie intégrante d’une certaine quantité de la population. C’est une particularité que les programmes et le projet mentionnés ne définissent pas d’une façon exhaustive, mais qui cependant est plus ou moins concrétisée.

On souhaite que, grâce à la culture, les régions puissent se distinguer les unes des autres, gagner en dynamisme et en esprit d’entreprise. C’est dans ce contexte que la culture est amenée à produire des services ou des objets à vendre. Elle peut aussi être considérée comme un trait particulier de la population locale, susceptible de promouvoir l’esprit d’entreprise. Il s’agit de l’esprit communautaire, de connaissances et d’un savoir-faire particuliers.

Toujours est-il que le concept de culture présente de très nombreuses facettes. Le mot culture peut être utilisé pour désigner des choses très différentes, que ce soit le théâtre, la musique, les beaux-arts, l’ancienne culture populaire, un milieu de valeur culturelle ou encore la vie quotidienne de l’homme moderne. D’une part il s’agit d’objets concrets, de bâtiments, de paysages, de coutumes et d’activités, d’autre part d’attitudes et de circonstances s’exerçant à l’arrière-plan. Les premiers, les phénomènes concrets de la culture constituent pour ainsi dire des ensembles à part, séparés de l’activité des hommes, tandis que les attitudes et les circonstances font partie du monde des idées et des relations sociales des hommes, aussi bien de ceux qui ont vécu auparavent que de ceux qui vivent à l’heure actuelle.


Le tourisme est-il exclusivement un bénéfice pour la culture locale?

Dans les programmes et les projets de développement de la Région du Sud-Ouest de la Finlande, le développement durable est présenté expressément quelque chose qu’il faut prendre en compte dans toutes les activités. Le développement doit être durable tant du point de vue écologique et économique que du point de vue culturel et social. L’objectif est de pouvoir maintenir les conditions du bien-être d’une génération à l’autre.

En ce qui concerne la culture, le développement durable est considéré comme réalisable à condition qu’on prenne soin du milieu, des objets et des monuments d’une grande valeur patrimoniale. Le bien-être de la région s’accroît si, en plus de la conservation et de la remise en état du patrimoine culturel, la nature n’en est pas polluée et que l’économie en est viable. Dans le programme concernant l’archipel de la Région du Sud-Ouest de la Finlande, la disparition de la culture insulaire originale est considérée comme une menace, mais on espère que malgré tout elle restera vivante. Les soin apportés au milieu et le maintien de la culture insulaire originale sont une garantie pour un développement durable qui est d’ailleurs soutenu par le développement dans le domaine social, écologique et économique. L’essentiel étant le développement économique, et dans l’archipel le tourisme y joue un rôle important. L’archipel occupe une position clé dans le développement du tourisme l’ensemble de la Région du Sud-Ouest de la Finlande. Du point de vue des insulaires, il est donc très important de connaître selons quels principes le tourisme sera développé dans la région ainsi que la façon dont il est lié au développement durable.

Selon le programme de tourisme de la Région du Sud-Ouest de la Finlande “l’influence du tourisme sur la population dans le domaine social ou économique ou sous forme d’un bien-être augmenté est nettement positive” (Varsinais-Suomen matkailuohjelma 1998, 36). Une vision exclusivement positive de l’influence espérée sur le bien-être de la population est cependant trop limitée. Le tourisme est une activité professionnelle par laquelle les habitants et les gens venus d’ailleurs se rencontrent momentanément. Seulement, en ce qui concerne les habitants, cela se fait de façon répétée. Alors les opinions des uns et des autres sur la région cible et ses habitants (soit l’archipel et les insulaires), leur identité et, en fin de compte, leurs connaissances et leurs sentiments culturels se heurtent. Voilà un impact qu’il faudrait prendre tout particulièrement en considération, quand on veut développer un tourisme qui, du point de vue de la culture, soit durable. C’est ce qui a été fait par exemple dans le domaine de la géographie économique. Néanmoins, je voudrais souligner ici le point de vue de la culture et soulever des thèmes qui dans le débat sur le tourisme durable ont été plus ou moins laissés de côté. Mon article est écrit sur la base du récent débat des ethnologues et des anthropologues concernant la culture et l’identité ainsi que l’éthique de la recherche et de l’utilisation des résultats obtenus.


La culture n’est pas une évidence

Dans leurs recherches, les éthnologues et les anthropologues considéraient auparavent la culture comme un ensemble délimité, statique, ancré dans le terroir et qui avait ses traits particuliers. On parle de la conception essentialiste de la culture selon laquelle les régions et/ou les groupes de personnes ont leur propre essence, à laquelle elles sont organiquement liée et profondément enracinée. On parle également de la réification selon laquelle certains phénomènes matériels se rattachent à une culture susceptile d´être délimitée pour en devenir des composants naturels. D’après ces conceptions interdépendantes, l’attention est attirée en premier lieu sur les produits matériels et immatériels de la culture dont, par exemple, les objets, les bâtiments, les paysages, les activités traditionnelles, la poésie populaire et les us et coutumes. Cette façon de voir s’est pourtant révélée inopérable. Les exemples empiriques qui illustrent la vie des gens aux quatre coins du monde prouvent qu’il est impossible de délimiter des ensembles homogènes, statiques, se distinguant nettement d’autres cultures et pouvant être qualifiés eux-mêmes de ce nom. Et comme il arrive souvent dans un débat scientifique, il a fallu élaborer, à propos de la culture, une théorie qui corresponde mieux à toutes les menues manifestations concrètes de la vie quotidienne, observées d’une façon empirique et qui, tout compte fait, constituent la culture.

Aujourd’hui la culture est plutôt considérée comme un processus dynamique où, dans tous les domaines, il y a une multitude de traits différents, voire contradictoires, qui ne finisent pas de se modifier dans l’interaction humaine. Cette modification n’est forcément pas toujours très importante. Elle peut même être extrêmement lente, mais elle est inéluctable. De même, il y a tant de similitudes entre les diverses régions qu’il n’est pas justifié de tracer des limites entre elles ou entre les cultures des différents groupes humains. Rattacher, par exemple, certains traits culturels à une région délimitée et à ses habitants ne fait pas ressortir d’une façon juste la diversité continuellement en évolution de la vie qu’on y mène. Par ailleurs, cela empêche de présenter sous leur véritable jour les autres régions qui ont des traits culturels identiques.

Néanmoins, la vie d’une certaine région diffère et s’est toujours différencié des autres. Même si, dans la culture, il est impossible de signaler des ensembles nettement délimités et statiques, il existe une particularité régionale qui se modifie tout le temps et dont les limites sont variables. Cette particularité n’est pourtant pas isolée du monde environnant, elle vit et évolue dans l’interaction.

Dans les textes scientifiques on se heurte encore, de temps en temps, à la conception basée sur l’essentialisme et la réification. Dans le débat quotidien sur la culture, elle semble pratiquement dominer. Il en est de même dans les programmes de développement qui essaient de découvrir l’essence de diverses régions et ses manifestations matérielles, en vue de créer des produits touristiques et de ranimer la vie économique.


La culture au service du tourisme ou bien le tourisme un secteur de la culture?

Selon la conception actuelle, c’est l’interaction qui est essentielle dans la culture. Le tourisme introduit dans la région cible toutes sortes de formes d’interaction qui sans le tourisme ne pourraient pas exister. En venant dans la région cible, les touristes se sont préalable informés et ils se sont fait une idée de la nature, de l’histoire, des attractions touristiques, des services et de la vie qu’on y mène. Ils y rencontrent des habitants, parmi lesquels il y a des acteurs du secteur du tourisme mais également beaucoup d’autres sortes de gens. Les habitants d’origine ont, eux aussi, leur propre opinion sur le pays où ils vivent. Les opinions et les expériences des divers habitants de la localité peuvent même être contradictoires, et les unes et les autres ainsi que les manifestations conrètes de la culture y sont dans un état de modification continuelle, comme partout ailleurs.

Telle est donc en principe la situation répétée où les habitants d’une localité rencontrent toujours de nouveaux touristes venant visiter leur pays. Si l’image de la localité offerte aux touristes, c’est-à-dire l’image de marque des dépliants publicitaires et des brochures touristiques, et si les services et les souvenirs produits dans cette localité diffèrent trop des conceptions qu’ont les habitants de leur pays, cela aboutit facilement à un conflit permanent, entre eux et les touristes.

Un tel conflit peut surgir par exemple, quand on offre aux touristes des attractions dans lesquelles on a mis l’accent sur l’histoire et la tradition, tout particulièrement s’ils entrent alors en contact avec les collectivités ou particuliers pratiquant des activités dits traditionnels mais qui existent toujours. Un milieu ou une collectivité qui existe aujourd’hui n’est jamais véritablement d’autrefois. L’image de la vie d’autrefois offerte aux touristes dans une ferme touristique ou dans un musée local est tout au plus une interprétation parmi d’autres du passé où, par l’intermédiaire d’un milieu, de présentations de travaux artisanaux ou d’animaux on essaie de faire vivre le temps passé. La contradiction entre l’image de la localité créée par l’intermédiaire du passé et la vie qu’on y mène aujourd’hui ne devient pourtant pas très grave, s’il est évident qu’il s’y agit bien là de l’histoire. Il n’empêche que les événements historiques, les gens qui s’en sont mêlés et les coutumes traditionnelles de la localité constituent une partie des connaissances et des conceptions de ses habitants actuels. Il se peut même que ces conceptions soient basées sur leur expérience personnelle. Il est fort possible aussi que dans une seule localité il y en ait plusieurs versions qui s’entrecroisent et se modifient.

L’image de la région et les produits touristiques peuvent être en contradiction avec l’image que les habitants ressentent eux comme la leur, par exemple quand l’image et les produits sont des marques dépouillées et modernes, créées pour les consommateurs internationaux. Dans ce cas-là les habitants de la région n’y reconnaissent pas leur pays.

Il est donc très important que les images concernant les particularités culturelles de diverses régions et créées pour les besoins du tourisme soient assez larges, flexibles et ouvertes pour que les habitants, souvent très différents, puissent les ressentir comme les leurs. Ainsi ils ne seraient pas amenés, dans leur vie quotidienne, à se confronter aux attentes portées sur leur pays et sur eux-mêmes, attentes très en contradiction avec leurs propres conceptions. Cela s’accentue surtout dans les petites localités où les touristes ne se perdent pas dans la masse mais où de très nombreux habitants les rencontrent en vaquant à leurs besognes quodiennes. D’autre part il est essentiel de comprendre l’importance de l’interaction mutuelle des habitants pour eux-mêmes.

Aujourd’hui le tourisme est souvent considéré comme n’étant qu’une sorte de matériau de construction pour fabriquer des produits touristiques et des images de marque régionales. Au lieu de cela, il devrait être considéré comme un élément vivant et agissant de l’interaction culturelle. Ce n’est qu’à cette condition qu’il est possible de vraiment évaluer les conditions nécessaires d’un tourisme qui soit durable du point de vue de la culture et essayer de lui créer des possibilités.


Qui définit l’authenticité?

Le développement du tourisme semble donc être devant une tâche difficile. Pour faire progresser la vie économique et pour augmenter le bien-être general, il faut faire quelque chose. Le marketing a besoin de caractérisations pertinentes et concises sur les particularités locales. Pour pouvoir créer des produits touristiques, matériels ou immatériels, on est à la recherche des phénomènes locaux concrets, capables d’être mis à profit. Mais si les accroches et les produits donnent de la localité une vue qui est trop étroite, pas assez diversifiée, ou même fausse, le développement du tourisme se retourne contre lui-même: le bien-être local souffre en raison des vues contradictoires qui gênent les rapports entre les touristes et les habitants.

Ce n’est pas un phénomène sans importance. L’image du pays où on se sent chez soi, celle du milieu familier avec son paysage et ses habitants, est important pour les gens. C’est une chose qui fait partie d’eux-mêmes mais qui, dans l’interaction avec l’entourage, peut donner lieu également à des traits négatifs. Quant à la culture continuellement changeante et variée d’une localité, il faudrait qu’on puisse en créer pour le tourisme des accroches sur une si grande échelle et si flexibles que le bien-être des habitants du lieu n’en souffre pas et que le développement durable de la culture soit possible. Pareillement, il faudrait que dans la production des services et des autres biens touristiques l’éventail soit plutôt varié et ouvert, au lieu de donner une seule vue étroite de la région. De toute façon il est évident que l’image de marque comme les produits doivent être authentiques.

C’est l’authenticité de la culture qui est à relever ici. A qui la tâche et le droit de définir ce qui est authentique? Comment décrire l’ambiance locale pour le marché touristique? Les particularités locales sont-elles mises en valeur si on les rend exotiques? Ou bien faut-il, au contraire, accentuer les traits familiers, connus de beaucoup? Met-on l’accent sur la vie d’autrefois, traditionnelle, ou bien sur les phénomènes modernes, perfectionnés? Quelle que soit la localité, y compris l’archipel, toutes ces alternatives sont possibles.

Un bâtiment rénové, aménagé avec piété et encore utilisé, les objets qui reposent au musée et qui témoignent du travail et de la vie d’autrefois sont tout aussi bien authentiques qu’une ferme moderne située dans un milieu rural d’aujourd’hui et qui porte l’empreinte de la vie de nos jours. Les gens qui bavardent dans l’épicerie du coin, les moments où ils se réunissent entre amis pour se détendre, voilà encore des phénomènes qui constituent une culture authentique.

Quelle que soit l’image créée par exemple pour les besoins du tourisme, il est essentiel que tous les éléments en soient authentiques. Les menus détails de la vie de tous les jours, les faits ethnographiques qui concernent la vie d’autrefois ou celle d’aujourd’hui sont inévitablement liés au temps, au lieu et aux activités des gens qui ont vécu auparavent ou qui vivent à l’heure actuelle.C’est un fait qu’il ne faudrait jamais oublier - au risque de déformer l’image au lieu d’en garder l’authenticité.

Si on veut qu’un bâtiment témoigne du passé par son aspect, il faut que tous les détails y soient identiques à ceux d’autrefois. Il faut qu’une pièce de musée date vraiment de l’époque et provienne vraiment du milieu dont il est question. Un village ou une ferme contiennent véritablement les éléments de la vie qu’on y mène aujourd’hui. Au quotidien, l’authenticité de l’interaction des habitants est à son plus haut point en dehors de la présence d’inconnus. Il est paradoxal de vouloir, en vue de servir au tourisme, transformer une fête, importante à des gens, en un événement authentique caractérisant leur localité. La présence des touristes anéantirait sans doute l’authenticité de la fête et son importance pour les habitants.

Un autre problème considérable, c’est que, parmi tous les détails du quotidien, on ne choisit qu’une certaine quantité pour créer l’image, et c’est cette quantité qui constitue l’image d’ensemble. Une époque, un endroit ou la vie de quelques personnens peuvent tous donner naissance à toutes sortes d’images dont les détails sont authentiques. Comment caractériser les localités et les régions pour les besoins du tourisme? Qui est-ce qui le fait et à quelle condition? Voilà de quoi il s’agit.

De toute façon, ces caractérisations devraient se baser sur les faits ethnographiques. Quand on en choisit quelques-unes pour les besoins du tourisme, il faudrait examiner l’image d’ensemble que l’on donne de la localité et de ses habitants, de son passé et de son présent. En plus, il faudrait estimer l’importance que certaines manifestations interactives, quotidiennes ou solennelles, ont pour les habitants et laisser de côté celles dont l’importance souffre de la présence d’inconnus. Encore faudrait-il que, sur la base des détails authentiques choisis dans la vie locale, on fasse des interprétations d’ensemble en respectant le plus possible les conditions des habitants ou, ce qui est mieux, en coopération avec eux.

Tous ceux qui travaillent pour le développement régional ou dans le secteur du tourisme occupent ici une position clé. S’ils veulent agir selon les principes du développement durable, ils sont responsables de la prise en considération de tous les gens qui vivent au sein de leur activité.


Interdits aux touristes: le privé et l’accès illimité (1)

Dès que la création d’un produit touristique est fondée sur l’activité humaine d’une région ou repose sur les gens eux-mêmes, voire sur un seul individu, on pénètre dans le domaine du privé. C’est le cas notamment quand il s’agit de contemporains et de leurs activités, mais aussi des gens du passé qui font partie de la vie des hommes modernes, s’ils servent à créer l’image d’une localité ou si, d’une manière ou d’autre, il y a un lien qui les unit avec ceux qui vivent aujourd’hui.

Etre constamment l’objet de regards et d’attentes de la part d’étrangers porte atteinte à la vie privée et la perturbe. Ceux qui travaillent dans le secteur du tourisme s’apprêtent tout sciemment à recevoir des touristes. En dépit de cela, à force d’en rencontrer sans cesse, ils peuvent se sentir menacés dans leur domaine privé. Cela concerne bien davantage les gens qui ne profitent pas directement du tourisme, mais à qui il arrive de représenter la localité lorsqu’ils accomplissent leurs tâches quotidiennes. Dans ce cas-là, ils sont amenés à répondre aux attentes qui concernent aussi bien la localité qu’eux-mêmes en tant que représentants de tout ce qu’il y a de particulier.

A titre d’exemple, on peut dire que dans les régions visitées par des masses de tourists, on essaie d’organiser les fêtes publiques locales de manier à ce que les touristes n’aient pas la possibilité d’y assister. L’activité locale peut aussi être adaptée de telle sorte que les touristes perdent leur intérêt pour une manifestation qui symbolise la localité. On le fait pour que les habitants puissent célébrer une fête en toute tranquillité entre eux ou assister à une manifestation, sans que leur vie privée souffre à cause des touristes qui essaient d’y faire irruption.Les gens veulent être des sujets actifs de leur propre vie, de leurs fêtes et de leurs manifestations, pas des objets de regards pour les touristes.

L’utilisation touristique d’un domicile privé est une chose particulièrement délicate, car la vie privée de ceux qui y vivent est mise à l’épreuve. Cela se manifeste surtout au moment où on veut en finir. Il peut être difficile de changer les habitudes des touristes, et dans ce cas la vie privée de ceux dont le domicile avait servi d’attraction touristique est perturbée par les touristes qui continuent de s’y fourvoyer. Parfois on a constaté que les touristes avaient pris la liberté de s’introduire dans les locaux privés sans y avoir été invités, même dans un cas où ces locaux n’avaient jamais été destinés au tourisme. Ceci peut arriver, par exemple, quand il s’agit de curiosités architecturales ou patrimoniales ou bien lorqu’une fête locale est célébrée dans un domicile visiblement privé. Dans telles situations, les touristes peuvent croire que l’accès est libre et ne se rendent pas compte que les gens y vivent tout simplement leur vie.

Un phénomène complémentaire dans tout cela, c’est un certain comportement désinvolte qui, de l’avis des touristes, relève du tourisme. C’est l’occasion pour certains touristes l’occasion de se comporter d’une manière qui serait impensable chez eux. Ce qui aggrave la situation, c’est que les touristes ne sont que des visiteurs temporaires, tandis que les résidents sont contraints de subir les effets secondaires de cette désinvolture pendant toute la saison. Les entrepreneurs de tourisme dependent éconimiquement des touristes les conduit à les servir, malgré les difficultés découlant de ces situations interactives.

Tout compte fait, il s’agit donc de la sauvegarde de la sphère privée des habitants dans les lieux privés ou publics. C’est une chose dont il faudrait tenir compte, quand on crée des attractions, des produits touristiques et des images de marque pour les localités. Les produits et les images devraient se focaliser de préférence sur les faits et les phénomènes, pas sur de simples particuliers. Les touristes ne devraient pas être dirigés vers les lieux privés, mais dans des milieux et locaux réservés pour eux. Ceux qui élaborent les projets devraient au préalable veiller à ce que les gens de l’endroit aient assez d’espace et de tranquillité pour leur activités quotidiennes et pour leur interaction mutuelle. De cette façon, on pourrait garantir aux particuliers et aux communautés la possibilité de sauvegarder leur caractère privé. Le tourisme, alors, pourrait procurer du bien-être au lieu d’incommodité et de conflits. Voilà encore une des conditions pour développer un tourisme qui soit durable du point de vue de la culture.


Droit de profiter de ce qu’on possède

Quand certains éléments de la culture locale sont transformés en produits touristiques, on rassemble souvent des matériaux un peu partout dans la localité. Bien des gens sont interviewés sur les pratiques anciennes, confient leur savoir et leur savoir-faire ou donnent des photos et autres matériaux qui servent à façonner les produits à vendre aux touristes.

Dans ces circonstances on a soulevé, en plus de la sauvegarde de la sphère privée, la question des droits d’auteur. C’est une question traitée au sein de l’UNESCO depuis des décennies. L’objectif a été de garantir à une région ou à un groupe de particuliers, qui ont réussi à sauvegarder une tradition, la possibilité de bénéficier du profit pécuniaire qu’on en tire. D’autres valeurs de la tradition, indépendantes des facteurs économiques, ont été également soulevées dans ce contexte. La tradition immatérielle et collective, transmise de génération en génération, ou la culture matérielle engendrée par elle, comme les ouvrages artisanaux et les bâtiments, sont cependant épineuses du point de vue du copyright. En soi, les droits d’auteur est un droit individuel, pour tirer profit de créations. Il existe cependant une recommandation de l’UNESCO datant de 1989 (2), selon laquelle les créateurs et les interprètes de la culture traditionnelle devraient être traités de la même manière que les détenteurs des droits d’auteur.

Conformément à l’idée fondamentale de cette recommandation, il faut donc veiller à ce que le profit des produits de la culture locale bénéficie à ceux dont on propose le capital immatériel ou matériel sur le marché touristique. L’exigeance minimum, c’est que les gens d’aujourd’hui puissent savoir où et comment les matériaux qu’ils ont livrés ou qui les concernent seront utilisés. Il faut aussi qu’ils aient le droit d’interdire le rassemblement ou l’utilisation de tels matériaux. Dans ces cas, il est difficile de déterminer les droits écnomiques d’une façon explicite. Il n’est donc pas étonnant qu’il ait fallu des dizaines d’années pour élaborer la recommandation de l’UNESCO qui donne tout de même un précepte à suivre pour traiter ces affaires du point de vue économique. Voilà encore une question liée de façon étroite au développement durable.


Conclusion

On peut dire que la conception essentialiste et réifiante de la culture fait partie de notre monde des idées actuel. En tant que phénomène culturel, il est donc inévitablement en train d´’évoluer. En général, l’évolution culturelle n’est jamais rapide. Par conséquant, l’évolution de cette conception prendra son temps. Par cet article je voudrais, pour ma part, participer à l’interaction culturelle qui fait peu à peu évoluer l’idée qu’on se fait de la culture. Mon but est de suggérer des idées à ceux qui développent le tourisme pour qu’ils y réfléchissent, les fassent avancer et que, de cette façon, la conception de la culture et du développement culturel durable puisse se renouveler dans ce processus dynamique, imprévu et, somme tout, aussi difficilement dirigeable que celui de la culture.


Katriina Siivonen katisi@utu.fi
Traduction Leena Siivonen
Revue par Jacques Delcos


Bibliographie

Anttonen, Marjut: Etnopolitiikkaa Ruijassa. Suomalaislähtöisen väestön identiteetin politisoituminen 1990-luvulla. Suomalaisen Kirjallisuuden Seuran Toimituksia 764. Helsinki: Suomalaisen Kirjallisuuden Seura 1999.

Aro, Laura: Minä kylässä. Identiteettikertomus haastattelututkimuksen folklorena. Suomalaisen Kirjallisuuden Seuran Toimituksia 650. Helsinki: Suomalaisen Kirjallisuuden Seura 1996.

Aronsson, Lars: Turism och lokal utveckling. En turism-geografisk studie. Meddelanden från Göteborgs universitets Geografiska institutioner, serie B Nr 79. Göteborg: Kulturgeografiska institutionen, Handelsgögskolan vid Göteborgs universitet 1989.

Baussant-Raccimolo, Michèle: ’Des Grecs’ au musée ou l’instrument muséal au service de la construction d’une identité communautaire. A propos de l’exposition ’Des Grecs’ au Musée Dauphinois –1993. Dans l’ouvrage Ton Dekker, John Helshoot & Carla Wijers (ed. by), Roots & Rituals. The construction of ethnic identities. Amsterdam: Het Spinhuis 2000.

Bendix, Regina: In search of autheticity.The formation of folklore studies. Madison (Wis.): University of Wisconsin Press 1997.

Blake, Janet: Developing a New Standard-setting Instrument for the Safeguarding of Intangible Cultural Heritage. Elements for consideration. UNESCO 2001 (http://www.unesco.org).

Boissevain, Jeremy: Hidden rituals. Protecting culture from the tourist gaze. Dans l’ouvrage Ton Dekker, John Helshoot & Carla Wijers (ed. by), Roots & Rituals. The construction of ethnic identities. Amsterdam: Het Spinhuis 2000.

Gerholm, Lena & Gerholm, Tomas: Om inte kultur fanns, så skulle man behöva uppfinna den. Dans l’ouvrage Nord Nytt 37. København: NEFA-Norden 1989.

Goody, Jack: Culture and Its Boundaries: A European View. Dans l’ouvrage Robert Borofsky (ed. by), Assessing Cultural Anthropology. New York et al: McGraw-Hill, Inc. 1994.

Keesing, Roger: Theories of Culture Revisited. Dans l’ouvrage Robert Borofsky (ed. by), Assessing Cultural Anthropology. New York et al: McGraw-Hill, Inc. 1994.

Nord Nytt Nr 60. Le thème du numéro: l’èthique. København: NEFA-Norden / Københavns universitet 1995.

Pekkala, Armi: Miten määritellä eettiset ohjeet tutkimukselle? Folkloristin kokemuksia kansainvälisestä työryhmästä. Dans l’ouvrage Ethnos-tiedote 3/2001. Helsinki: Suomen kansatieteilijöiden yhdistys Ethnos ry 2001.

Ruotsala, Helena: Lapplandsturismens Janusansikte. Dans l’ouvrage Nord Nytt 59. København: NEFA-Norden / Københavns universitet 1995.

Ruotsala, Helena: ”Vaatteeni kertokoon kenen kotoa ja mistä päin olen poissa.” Lapinpuvun sisältämät viestit käyttäjän näkökulmasta. Dans l’ouvrage Sananjalka 40. Turku: Suomen Kielen Seura 1998.

Siikala, Jukka: Kulttuurin käsite ja etnografian ongelma. Dans l’ouvrage Kaukaa haettua. Kirjoituksia antropologisesta kenttätyöstä. Helsinki: Suomen Antropologinen Aeura 1997.

Siivonen, Katriina: Does the European Union Leave Room for Local Identitites? Locality as a Cultural Semiotic Process in the Archipelago of Southwest Finland. Dans l’ouvrage Ethnologia Scandinavica 32/2002. Lund: Folklivsarkivet 2002.

Varsinais-Suomen maakuntaohjelma vuosille 2001-2004. Turku: Varsinais-Suomen liitto 2001.

Varsinais-Suomen maakuntasuunnitelma 2020. Turku: Varsinais-Suomen liitto 2001.

Varsinais-Suomen matkailuohjelma. Matkailun strateginen kehittäminen 1998-2006. Turku: Varsinais-Suomen liitto 1998.

Varsinais-Suomen saaristo-ohjelma. Turku: Varsinais-Suomen liitto 2000.

Vayda, Andrew P., Actions, Variations, and Change: The Emerging Anti-Essentialist View in Athropology. Dans l’ouvrage Robert Borofsky (ed. by), Assessing Cultural Anthropology. New York et al: McGraw-Hill, Inc. 1994.

Notes
1.Ce chapitre est basé en particulier sur les articles de Jeremy Boissevain et de Helena Ruotsala, mentionnés dans la bibliographie.
2.UNESCO’s 1989 Recommendation on the Safeguarding of Traditional Culture and Folklore.